Je suis venue progressivement au milieu de la mémoire et à ASF. Comme tout le monde, j’ai entendu beaucoup de choses à l‘école sur le nazisme, et je trouvais le thème intéressant et important. Mais un point me dérangeait, c´était que cette mémoire nous était présentée avec beaucoup de pathos. Le but de mes enseignants était que les élèves éclatent en sanglots. De plus, je ressentais comme une culpabilisation des jeunes générations, qui ne connaîtraient, soi disant, rien à la vie et qui se plaindraient tout le temps alors que des choses graves s’étaient passées sous le nazisme. Le thème n’était pas simple non plus dans ma famille. Cette attitude moralisatrice m’a toujours agacée et j’ai longtemps éprouvé un rejet pour l’ensemble du thème du national-socialisme.

J’étais cependant – ou précisément pour cette raison – toujours préoccupée par ces questions, et je me suis particulièrement intéressée à la perspective des responsables des crimes, que l’on ne m’avait jusqu’alors jamais présentée – et non à celle des victimes. J’étais aussi très intéressée par la façon dont on peut transmettre ces faits historiques sans pour autant provoquer des réactions de rejet comme celle que j’avais ressentie.

En plus, je m’intéressais particulièrement à l’Allemagne. Pour une large part de ma famille, les Allemands étaient – jusqu’il y a très peu de temps – des ennemis, des nazis. C’est pourquoi je voulais découvrir par moi-même ce que „sont“ l’Allemagne et les Allemands (large concept^^).

Après toutes ces réflexions, j’ai choisi d’étudier dans un master franco-allemand entre Aix-en-Provence et Tübingen, dont le thème principal était les lieux de mémoire et de commémoration. Voulant me confronter à la transmission de faits historiques sur les lieux mêmes des crimes – nazis en l’occurrence – j’ai effectué, dans le cadre de ce master, un stage de quatre mois dans le département pédagogique du mémorial de Buchenwald. J’ai ainsi pu me confronter et au lieu et au travail pédagogique fait sur place. J’ai alors découvert que le travail de mémoire dans les mémoriaux offrait de nombreuses possibilités.

Ce fut le point de départ de mon engagement actuel dans les mémoriaux et le travail de mémoire en général, engagement que j’ai souhaité continuer après mon stage lors de mes études à Tübingen. Là, je me suis engagée dans un petit mémorial, situé sur les lieux d’un ancien camp extérieur de Natzweiler, Tailfingen-Hailfingen. J’ai d’autre part effectué un stage de sept mois au mémorial de Grafeneck pour les victimes de l’euthanasie nazie (meurtre de malades et d’handicapés mentaux).

Pour pouvoir approfondir cet engagement, je souhaitais m’engager à plein temps et plus longuement dans un projet. J’avais fait la connaissance des volontariats et d’ASF à Buchenwald, où s’engagent des volontaires d’ASF. J’ai candidaté et obtenu une place à Ulm.

Voilà pour la genèse de mon engagement comme volontaire. Je suis maintenant, depuis mi-septembre, au centre de documentation Oberer Kuhberg à Ulm. Je trouve le lieu passionnant car il est lié à une thématique que j’ai encore peu abordée, les débuts de la dictature. Il s’agit en effet d’un camp de concentration où ont été internés entre 1933 et 1935 principalement des opposants politiques au régime nazi. Ce n’était pas un camp de travail mais une prison, et le but n’était pas de tuer les prisonniers mais plutôt de les intimider pour briser leur résistance ainsi que celle de la population. Cette question de l’établissement de la dictature me pose de nouveaux défis du point de vue de la transmission.

J’ai beaucoup de projets pour cette année de volontariat. Pour le moment, je suis très investie, comme le reste de l’équipe du DZOK, dans la préparation de l’exposition temporaire inaugurée au mémorial le 16 novembre, dont le thème est “se souvenir à Ulm”, c’est-à-dire la confrontation avec le passé nazi après 1945. Nous avons écrit les derniers textes de l’exposition, cherché les documents et illustrations adéquates dans les archives du centre de documentation, écrit des textes destinés à être lus par des professionnels pour une station audio dans l’exposition. De plus, nous préparons un programme d’accompagnement, dont les temps forts sont des cafés de rencontre où différentes générations d’habitants d’Ulm racontent leurs souvenirs, et d’autre part des rencontres interculturelles autour de l’exposition.

A côté de cette intense activité, j’explore les différents domaines d’activité du centre de documentation. Je lis et je me documente sur les camps de concentration de la première période, travaille dans les archives (recherche de documents), m’intègre dans la vie quotidienne du centre de documentation (de la rencontre de l’équipe aux séances du conseil d’administration en passant par le montage d’étagères (d’un fabricant suédois que nous ne saurions nommer ici) pour l’exposition, je m’engage dans le domaine pédagogique (j’assiste à différentes visites guidées et séminaires, je conçois en ce moment ma propre visite guidée du camp et vais bientôt commencer à travailler avec différents groups). Je cherche aussi à développer des  projets internationaux, notamment avec la France.

En bref, il y a encore beaucoup de choses à faire! Je développerai prochainement un peu plus ce que je fais ici.

Enfin, Ulm. Une nouvelle ville. Ulm? Une bataille napoléonienne, une cathédrale (la plus grande flèche du monde tout de même!), sept collines comme à Rome (^^), le Jura souabe et les Alpes à deux pas, le beau Danube bleu (mais j’ai remarqué qu’il n’était pas bleu. On m’aurait menti si longtemps ?!), la Souabe (comme à Tübingen). Pour ceux qui ne connaissent pas cette manie régionaliste des Allemands (à coté desquels les Corses sont au fond des petits joueurs. Nan j’ai rien dit xD), la Souabe est une région du sud de l’Allemagne où les traditions sont très fortes, tout comme le dialecte de ses natifs, encore aujourd’hui!. Si vous voulez une anecdote charmante: le Danube est la frontière entre la région de Bade-Wurtemberg et la Bavière. Ulm est en Bade-Wurtemberg, « Neu-Ulm » (le Nouveau Ulm) de l’autre côté du Danube, en Bavière… presque le territoire de l’ennemi…

Ulm est une nouvelle ville, mais je ne débarque pas complètement étant donné que je vis depuis maintenant plus d’un an en Allemagne. Et je ne découvre pas non plus le sud de l’Allemagne. Il n’en reste pas moins qu’il faut organiser sa petite vie; je vis dans une coloc’ avec deux autres personnes, je fais beaucoup de musique (orchestre, chorale, école de musique…) ce qui me permet aussi de rencontrer des gens différents et intéressants. Et il y a encore bien des choses à découvrir!

Bon, sur ce: à bientôt!

Version allemande