Bonjour bonjour, le temps passe, l'eau du Danube coule (variation Ulmoise de « L'eau coule sous les ponts »), et il se passe moulte choses au centre de documentation. Par où commencer ? Le début la brave dame. Bien.
Les mois de décembre, janvier et février ont été bien remplis. À côté du séminaire d'ASF à Berlin et de deux semaines de vacances à Noël, les tâches ont été multiples.
J'ai continué à me concentrer sur le domaine pédagogique. Je fais beaucoup de visites guidées avec des groupes scolaires – la majorité des groupes visitant le mémorial – et interagit ainsi avec des groupes toujours différents. J'apprends à adapter mon concept à chaque classe.
Mais qu'est-ce que j'en ai à faire de votre histoire ?!
Le gros projet des derniers mois est un projet interculturel intitulé « Was geht mich eure Geschichte an ? » (En quoi est-ce que votre histoire me concerne ?). C'est un projet qui court depuis trois ans au DZOK, dont le but est de développer des outils pédagogiques pour que des enfants issus de l'immigration s'intègrent à la mémoire du national-socialisme et se confrontent eux-aussi à cette histoire – ce qui est loin d'être évident. Le projet est né à Ulm, car beaucoup de jeunes y sont issus de l'immigration.
À côté du travail quotidien de réflexion, les temps forts de ce projet sont des projets de trois jours avec une classe, dont le but est de réaliser un clip (chanson + vidéo) sur le camp. J'ai réalisé le projet de cette année avec Annette, la pédagogue du DZOK. Nous avons fait ensemble la visite du camp avec la classe, puis nous avons divisé les élèves en deux groupes : l'un devait créer une chanson, l'autre partir à la chasse aux images. Dans cette phase, nous avons été soutenus par des musiciens faisant des projets avec les jeunes et par une pédagogue des médias pour la partie vidéo. Les élèves du groupe musique ont écrit le texte avec l'aide des musiciens, qui avaient composé au préalable une bande musicale. Les élèves du groupe vidéo ont réfléchi à ce qu'ils voulaient filmer etc. Tout ceci était passionnant, et le projet s'est terminé par l'enregistrement de la chanson en studio ! Maintenant, le film doit être monté et mis en relation avec la chanson. Suspense !
Etant donné que c'est la fin du projet cette année, il faut écrire des rapports et publier un cahier pédagogique. C'est ce qui nous occupe, Annette et moi, depuis fin janvier (date du projet de trois jours). Ce cahier comprend une présentation des projets de trois jours – pour cela j'ai transcrit toutes les interviews faites avec les élèves, répertorié les photos, les musiques et les vidéos des années précédentes. J'ai de plus évalué les questionnaires remplis par les élèves sur le projet. Il nous faut aussi mettre en forme les offres pédagogiques développées dans les trois dernières années sous forme de « feuilles de travail ». C'est beaucoup de travail – conceptuel, puis de formulation. Je réalise une partie de ces fiches de travail et nous nous réunissons régulièrement avec Annette pour parler de notre avancée. Nous travaillons aussi avec un graphiste qui doit réaliser le graphisme de la brochure. Il reste encore beaucoup de travail, mais c'est passionnant !
C'est bien beau une exposition. Mais qu'est-ce qu'on en fait maintenant ?!
Maintenant que l'exposition temporaire (cf article précédent) est inaugurée et en place, nous nous occupons activement du programme d'accompagnement.
Il s'agit tout d'abord de cafés de rencontres (que j'ai déjà évoqués dans mon dernier article), où des habitants d'Ulm expriment leur point de vue, leurs souvenirs sur les différents point de l'exposition. C'est une façon de compléter les contenus de l'exposition en faisant intervenir de nouveaux témoins. Je suis toujours présente pour accompagner Annette dans la modération de la rencontre.
Le but est aussi de concevoir une offre pédagogique autour de l'exposition temporaire pour la rendre accessible aux groupes scolaires. C'est un travail intéressant pour moi dans la mesure où la mémoire est un de mes sujets de recherche, et que je me demande toujours comment transmettre ces mécanismes. J'ai travaillé avec un des enseignants rattachés au DZOK pour concevoir des feuilles de travail pour les élèves. J'ai relu ses propositions, ai été cherché des documents aux archives municipales, ai sélectionné des livres dans notre bibliothèque pour lui faciliter le travail. Ces fiches ont été présentées en décembre lors d'un séminaire au mémorial avec des enseignants.
Enfin, l'un des temps forts du programme d'accompagnement sont des visites « interculturelles » dans l'exposition temporaire. Le but est de donner d'autres perspectives sur les questions de mémoire que la seule perspective allemande qui ressort dans l'exposition. J'ai fait fin janvier une visite guidée avec comme fil directeur une mise en miroir des dynamiques française et allemande de la mémoire de la Seconde guerre mondiale et du nazisme. Etant donné que c'est un point essentiel de mes recherches (cf mon mémoire de master), ce fut passionnant de concevoir cette visite. Environ 70 personnes sont venues, attirées par un article paru dans le journal quelques jours plus tôt ! Le public était très intéressé et j'ai eu des conversations très intéressantes.
Français, Allemands...
Enfin, j'étais entrée en contact avec une école d'Ulm organisant un échange franco-allemand d'apprentis. Les élèves français préparent leur CAP, et les élèves allemands l'équivalent allemand. L'organisateur de l'échange était très sympa et m'a laissé faire deux points du programme. Le premier fut un workshop sur les stéréotypes que les Français ont de l'Allemagne. J'ai fait ce travail avec les élèves français le jour de leur arrivée. J'ai ainsi conçu ce workshop interculturel pour aborder la question des stéréotypes et des préjugés. Le second point fut une visite guidée pour les élèves français à travers l'ancien camp. Une expérience également passionnante, d'autant plus que je connais bien le système français et l'enseignement de la période nazie à l'école.
La base de données du mémorial
Un autre domaine d'activités du mémorial m'a occupée ces derniers mois : les archives. J'ai en effet aidé Ulrike dans son projet de banque de donnée des détenus du camp d'Oberer Kuhberg. J'ai été avec elle plusieurs fois aux archives de Ludwigsburg, où se trouvent de nombreux dossiers de demande de réparation, une de nos sources principales pour trouver des informations sur les anciens détenus. Cela a permis de clarifier plusieurs incertitudes et de trouver des dossiers très intéressants (avec par exemple des copies des dénonciations de 1933 ayant conduit la personne au camp). Ce fut passionnant de se plonger dans la vie de chaque personne – chaque dossier représente une vie, bien plus qu'un prisonnier.
Fin janvier, nous sommes allés trois jours dans les archives nationales de Bad Arolsen, un petit village renfermant pourtant des trésors. C'est un immense centre d'archives, avec presque toutes les archives des anciens camps de concentration nazis. Nous avons trouvé beaucoup de documents que nous n'avions pas jusqu'à maintenant, ce qui a permis d'enrichir la collection du DZOK et d'affiner nos informations sur chaque prisonnier. Bien sûr, nous n'avons pas tout trouvé... c'est un travail de romain !
La banque de données doit être mise en ligne début mars, et Ulrike souhaitait que quelques biographies soient plus étoffées et présentées sous forme de texte. Nous nous sommes répartis mes biographies à écrire, j'en ai écrites trois. Nous nous sommes réunis régulièrement pour que toutes les biographies aient la même structure – et ce ne fut pas facile...
Ce travail dans les archives me permet d'approfondir ce domaine que je connais moins.
Enfin, le DZOK va avoir début mars un nouveau site internet. C'est un projet de longue haleine qui va bientôt être concrétisé. J'ai relu avec les autres les textes du site, participé au choix des photos et fait mes remarques par rapport à la version test. Suspense !
Et il ne faut pas oublier d'avoir une vie à côté du mémorial !
Comme vous le voyez, j'ai été bien occupée. En plus de cela, toutes mes autres activités continuent : orchestre – avec un super concert mi janvier – et chorale – notre concert était mi février -, hautbois, rencontres avec beaucoup de gens différents, week ends un peu partout en Europe, sorties au théâtre et à l'opéra, discussions nocturnes sur à peu près tout... Non, vraiment, je ne m'ennuie pas !